"Un jour, une famille anglaise composée du père, de la mère et de trois belles filles toutes roses et toutes blondes, se présenta chez Sanson. C’était pour voir la guillotine. Sanson les mena chez le charpentier. On fit jouer l’instrument. Le couteau s’abaissa et se releva plusieurs fois à la demande des jeunes filles. L’une d’elles cependant, la plus jeune, la plus jolie, n’était pas satisfaite. Elle se fit expliquer par le bourreau, dans les moindres détails, ce qu’on appelle la toilette des condamnés. Elle n’était pas contente encore. Enfin elle se tourna timidement vers le bourreau :
— Monsieur Sanson ? dit-elle.
— Mademoiselle ? dit le bourreau.
— Comment fait-on quand l’homme est sur l’échafaud ? Comment l’attache-t-on ?
Le bourreau lui expliqua cette chose affreuse, et lui dit : Nous appelons cela enfourner.
— Eh bien, Monsieur Sanson, dit la jeune fille, je désire que vous m’enfourniez.
Le bourreau tressaillit. Il se récria. La jeune fille persista.
— C’est une idée que j’ai, dit-elle, de pouvoir dire que j’ai été attachée là-dessus.
Sanson s’adressa au père, à la mère. Ils lui répondirent : Puisque c’est son envie, faites.
Il fallut céder. Le bourreau fit asseoir la jeune miss, lui lia les jambes d’une ficelle, les bras d’une corde derrière le dos, l’attacha sur la bascule et l’y boucla avec la ceinture de cuir. Il voulut s’en tenir là.
— Non, non, il y a encore quelque chose, dit-elle.
Sanson alors coucha la bascule, plaça la tête de la jeune fille dans l’horrible lunette et referma sur elle le capuchon de cette lunette. Alors elle se déclara satisfaite.
Plus tard, en contant la chose, Sanson disait : — J’ai vu le moment où elle allait me dire : Il y a encore quelque chose. Laissez tomber le couteau."
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